Selon le livre L’Histoire de l’Afrique et de sa diaspora, de la préhistoire à nos jours
De Jahlyssa Sekhmet, 2015, 227 pages.
Le livre en une phrase, c’est quoi ? : Livre éducatif sur l’Histoire de l’Afrique et des afrodescendants, de la préhistoire à nos jours.
Mon passage coup de du livre : “ L’Afrique n’est pas seulement le berceau de l’humanité, c’est aussi le berceau de la civilisation. Ce continent donna naissance aux sciences, aux techniques, à l’architecture et à l’écriture. ”
Résumé du livre
En tant que femme noire étant née et ayant grandi en France,
- Je pourrais vous expliquer comment Napoléon est arrivé au pouvoir et pourquoi Louis XIV était surnommé le Roi Soleil.
- Je pourrais vous énumérer sans effort les composants de l’attirail du soldat poilu de la guerre 14-18.
- Je pourrais vous chanter par cœur la Marseillaise et vous dire comment elle est devenue l’hymne nationale française.
Par contre, en tant que femme noire étant née et ayant grandi en France,
- J’aurai du mal à vous donner le nom d’un empire africain.
- J’aurai du mal à vous citer le nom d’un inventeur noir.
- J’aurai du mal à vous dire quelles sont les 3 langues les plus parlées en Afrique.
Mais ça c’était avant.
Ça c’était avant que je décide de lancer Abenafrica dont l’un des objectifs est d’en savoir plus sur l’Histoire des miens.
Ça c’était avant que je lise le livre éducatif de Jahlyssa Sekhmet dont je vous fais un retour aujourd’hui (je vous en parlais déjà en bonus de cet article) !
C’est le 4ième ouvrage de mon défi 27 livres afro en 27 semaines ! Et pour cet article, plutôt que de faire un résumé standard du livre, j’ai préféré mettre la lumière sur 8 anecdotes et faits historiques du bouquin. Pourquoi 8 ? Tout simplement parce que c’est le nombre de chapitres de cet ouvrage ! Nous y trouvons en effet : (1) La naissance de l’homme, (2) la naissance de la civilisation , (3) La Nubie, premier royaume du monde, (4) l’Egypte pharaonique (et oui, les Egyptiens étaient noirs!), (5) les grands empires africains, (6) l’esclavage, (7) la diaspora africaine : l’exemple des afro-américains, et enfin (8) l’Afrique aujourd’hui.
Aujourd’hui, je partage avec vous une anecdote pour chacune de ces 8 périodes de l’Histoire africaine. Allez, c’est parti !
1. Pourquoi dit-on que l’Afrique est le berceau de l’humanité ?
Parce que le 1er être humain au monde est né sur le sol africain. Il était noir.
Illustration tirée du livre “L’Histoire de l’Afrique et de sa diaspora”, Jahlyssa Sekhmet
C’était il y a 200 000 ans dans la région des Grands Lacs (région où se trouve aujourd’hui la Tanzanie, le Rwanda ou encore le Burundi). Quand on parle de “Berceau de l’humanité”, cela englobe également les savoirs et les techniques développés par l’homme pour faire face aux défis la Nature.
Et là vous me direz : mais si les premiers hommes étaient noirs, comment cela se fait-il qu’aujourd’hui il y ait, par exemple, des blancs ?
En fait, au début, tous les hommes avaient ce pigment qui colore la peau et qui protège des rayons UV du soleil : la mélanine. Mais au fil des années, certaines populations se sont déplacées et ont quitté le continent africain. Elles ont donc été confrontées à des climats totalement différents : froids et peu ensoleillés. La mélanine n’était donc plus nécessaire. Elle était même de trop ! En faisant office d’écran solaire naturel, elle était un obstacle à la production de vitamines D dans le corps. Ainsi, l’être humain s’est adapté à son environnement et à perdu peu à peu ce pigment. C’est pourquoi les peuples qui ont migré vers le Nord sont plus clairs que ceux restés dans le Sud.
Le modèle Khoudia Diop. Mélanine on fleek !
Dans ce premier chapitre du livre, vous apprendrez également que non : Lucy n’est pas la plus ancienne représentante de la lignée humaine ! Il s’agit en réalité de Toumaï dont le crâne a été découvert au Tchad en 2001. Il date de 7 millions d’années avant l’ère chrétienne contre 3,9 millions d’années pour Lucy.
2. Où sont-nés les mathématiques ? Et le théorème de Pythagore ?
Les mathématiques sont nées dans le Sud de l’Afrique.
En effet, c’est dans les années 1970 qu’a été trouvé la preuve de la plus ancienne pratique des mathématiques. Et quelle est donc cette preuve me direz-vous ? Cette preuve, c’est l’os de Lebombo. Il a été retrouvé entre l’Afrique du Sud et le Swaziland, dans les montagnes de Lebombo. Il s’agit d’un os de babouin sur lequel on constate 29 encoches faites par l’homme. Il témoigne d’un système de calcul permettant à l’homme de maitriser le temps. Cet os date de 35 000 avant l’ère chrétienne.
L’os de Lebombo
Les mathématiques seront développées plus tard par les Egyptiens notamment avec le “ théorème du scribe d’Ahmès “, renommé plus tard « Théorème de Pythagore et de Thalès ».
Mais les mathématiques ne sont pas les seules sciences et techniques qui ont été initiées en Afrique. Il y a également : la géométrie, les arts, l’écriture, l’astronomie, le droit, ou encore l’architecture.
Et non ! Ceci n’est pas un exercice du théorème “de Pythagore”, mais bien du Théorème du Scribe d’Ahmès!
3. La place centrale de la femme africaine dans l’organisation et l’évolution des civilisations
Il est même dit que le matriarcat a été la base de l’organisation africaine. Comment ? Grâce à l’agriculture ! Je vous explique. A l’origine, l’homme n’avait que 3 moyens de se nourrir : la chasse, la pêche et la cueillette. Mais ça s’était avant. Avant 17 000 ans avant l’ère chrétienne, quand ils découvrirent l’agriculture. Du coup, plus besoin de se déplacer autant: l’homme commence à se sédentariser. Ce fut un changement révolutionnaire dans leur mode de vie. Et cette découverte a été attribuée aux femmes. A partir de ce moment là, le rôle, le respect et l’autorité de la femme deviennent prépondérants. Ils le resteront longtemps dans les civilisations à venir, notamment les civilisations nubiennes et pharaoniques qui étaient matrilinéaires. ‘’Matrilinéaire’’ ? Cela signifie que la succession des souverains tiraient leur légitimité de la mère. On devient pharaon, roi ou empereur de par la reine mère.
4. Cette année, nous ne sommes pas en 2020, mais en 6256 !
Les rois Nubiens, ancêtres des Egyptiens
Enfin ça c’est selon le premier calendrier qui a été créé par les prêtres et astronomes égyptiens en 4236 avant l’ère chrétienne ! Tout comme pour les mathématiques vus un peu plus haut, il s’agit d’une autre découverte initiée en Nubie et concrétisée en Egypte. Leur calendrier solaire était divisé en 12 mois de 30 jours et de 5 jours consacrés aux fêtes religieuses. Ce qui faisait un total de 365 jours par an.
A cette époque se développe également l’écriture, les hiéroglyphes, qui au fil des années a subi des transformations. Ils sont à l’origine de l’alphabet latin que nous utilisons aujourd’hui. Sciences, enseignement, médecine, musique, architecture : l’Egypte de l’époque est en avance sur toutes les autres civilisations.
5. Où est-ce que la première déclaration universelle des droits de l’homme à vue le jour ?
En Afrique de l’Ouest. C’est la charte du Mandé.
Mais avant de poursuivre, petit retour en arrière : après le déclin de l’empire égyptien, de nombreuses populations migrent vers l’intérieur du continent (Afrique de l’Ouest, Afrique centrale, Afrique australe). Au fur et à mesure, de grands empires voient le jour dans tout le continent : l’empire du Ghana, l’empire Songhaï, de Kanem, d’Axoum et j’en passe. De grandes figures marquent l’Histoire de l’Afrique impériale : Mansa Moussa, Soni Ali, la reine Makéda ou encore Chaka Zoulou. Dans ces empires règnent richesse, justice et organisation.
Et justement, l’un de ces empires est l’empire du Mali. Son fondateur Soundjata Keïta, l’un des plus grands bâtisseurs d’empire que l’Afrique n’ait jamais connu. A la suite de nombreuses batailles et d’ascension au pouvoir, Soundjata Keïta et son assemblée générale se réunirent à Kouroukan Fougan pour promulguer un texte qui poseraient des bases solides et justes pour diriger l’empire : c’est la charte du Mandé. Ils y définissent des principes d’égalité, de respect d’autrui, le droit de réparation en cas de préjudice ou encore l’interdiction de l’esclavage. Ces écrits sont considérés comme les plus anciennes références au monde des droits fondamentaux.
6. Guadeloupe, Martinique : ces îles qui n’avaient jamais vu de Noirs
Et c’était tout à fait normal puisqu’avant l’arrivée des européens, les populations dans ces territoires étaient amérindiennes ! Et cela ne concernait d’ailleurs pas uniquement la Guadeloupe et la Martinique mais toute la Caraïbe et les Amériques (d’ailleurs, à l’époque, ces territoires ne s’appelaient pas ‘’Guadeloupe’’ et ‘’Martinique’’. J’y reviendrai dans un prochain article). Les européens massacrèrent les amérindiens sur place (on parle ici d’un des plus grands génocides que l’humanité n’ait jamais connu).
Ils avaient donc besoin d’une nouvelle main-d’œuvre.
C’est le prêtre espagnol Bartholomé de Las Casas qui eut l’idée de déporter les africains vers l’Amérique en mettant la lumière sur le fait qu’: « Un seul nègre fait autant de travail que quatre Indiens ». Et c’est au 15ième siècle que le pape Nicolas V officialise le début de la traite transatlantique par la bulle pontificale du 8 Janvier 1454.
L’esclave est donc considéré comme une marchandise que l’on capture en Afrique pour qu’il puisse servir d’outils de production sur les terres outre Atlantique. Pour ce qui est de la Guadeloupe et de la Martinique, la traite débuta sous Louis XIII via l’Edit du 31 Octobre 1636. C’est l’acte de naissance des “Antilles françaises”.
Cette déportation massive est à l’origine de la diaspora africaine qu’on appelle aujourd’hui l’afrodescendance.
7. Les Black Panther furent détruits par des actions illégales du FBI
Huey P. Newton, cofondateur du Black Panther Party
Non, je ne parle pas du Wakanda, ou de la mort de Killmonger. Je parle bien évidemment d’un des plus grands mouvements révolutionnaires afro-américains qui a vu le jour en Californie en 1966 : The Black Panther Party (BPP). Très rapidement, l’organisation s’étend dans tout le pays. Ses idées se basent sur les pensées de Frantz Fanon et de Malcom X. Dans les grandes figures de ce parti, on trouve Assata Shakur (la tante du rappeur Tu-Pac), Bobby Seale (cofondateur du BBP) ou encore la célèbre Angela Davis. Nombreuses sont leurs actions pour la communauté : lancement d’un journal (The Black Panther), mise en place de programmes sociaux comme le Free Breakfast for Children (petit-déjeuners gratuits avant que les enfants aillent à l’école), collecte de vêtements, ouverture de centres de soins, etc.
Voyant que cette organisation prenait de l’ampleur et éveillait peu à peu la communauté noire, le gouvernement américain et le FBI prirent les choses en main. Etape 1 : Le directeur du FBI déclare le BPP « menace n°1 de la sécurité intérieure du pays ». Etape 2 : Le FBI lance son plan d’attaque. Ils font des raids dans les bureaux du BPP, des fusillades et des assauts. Et ce n’est pas tout, ils montent les membres du parti les uns contre les autres en envoyant des lettres anonymes et falsifiés et en infiltrant de la drogue. Etape 3 : Plan réussi. 1970, affaiblissement totale du BPP.
8. Pourriez-vous citer un pays africain qui n’a jamais été colonisé ?
Vous avez trouvé ?
Aller je donne un indice : les souverains de cet empire étaient appelés les Negus.
Je parle bien évidemment de l’Ethiopie.
Face à la conférence de Berlin de 1884-1885 (14 pays européens se réunissent se partager le continent africain) et à la colonisation, les résistances furent nombreuses. La plus célèbre est sans conteste la bataille de d’Adoua en 1896. Elle oppose l’Italie et l’Ethiopie. Le Negus Ménélik II et son armée écrasent l’armée italienne. Le 26 octobre 1896, les italiens capitulent et signent le traité d’Addis-Abeba. Ce triomphe assure une renommée internationale à l’empire éthiopien auprès des mouvements anticolonialistes et des mouvements antiségrégationnistes des Etats-Unis.
Haïlé Sélassié Ier, le dernier empereur d’Ethiopie
40 ans plus tard, rebelote. Cette fois-ci c’est Mussolini qui s’y met et envahit l’empire en 1935. Haïlé Sélassié I (le Negus en place) et ses troupes s’opposèrent vivement. L’empereur dû malheureusement s’exiler en Angleterre pour mener le combat à distance car son décès aurait pu être fatal au destin de l’Ethiopie. Il sollicite notamment la Société de Nations (l’ancêtre de l’ONU) dont l’Ethiopie fait partie depuis 1923. Sans surprise, il ne reçut aucune aide de l’Europe. Cette situation provoqua l’indignation de l’Afrique et des afrodescendants. Des afro-américains tentent de rejoindre l’armée Ethiopienne mais ils sont bloqués par leur gouvernement.
L’avis d’Abena
Enfin un livre moderne d’histoire d’Afrique qui ne parle pas que d’esclavage et de colonisation. « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur ». Avec l’Histoire de l’Afrique et de sa diaspora, Jahlyssa Sekhmet fait partie de celles et ceux qui ont décidé que l’Histoire des afrodescendants allait enfin arrêtée d’être racontée par d’autres. D’ailleurs, tout au long de son ouvrage, elle cite à de nombreuses reprises le livre Nations nègres et cultures de Cheick Anta Diop. Ce livre, c’est juste la base de tout afro curieux. Et shame on me : je ne l’ai toujours pas lu ! Mais il fera évidement des 27 livres de mon défi afro curieux !
Points forts
- Organisé et illustré comme un livre scolaire, ce qui facilite l’apprentissage : des objectifs de ‘’ce qu’il faudra retenir’’ définis au début de chaque chapitre, une fiche récap’ à la fin de chaque partie, etc.
- Destiné aux enfants (à partir de 10 ans), mais comme peu d’entre nous connaissent réellement l’Histoire des afrodescendants, ce livre est en réalité un cadeau pour les petits comme pour les grands !
- Il a la bonne odeur des livres d’école et des cahiers de vacances (petit moment nostalgie…)
Points faibles
- Ce livre n’est pas au programme scolaire français (héhé!)
- Pour représenter l’évolution de la diaspora africaine, le livre fait un focus sur les afro-américains (vs. d’autres afro-descendants comme les Noirs d’Amérique latine, des caraïbes etc). Mais Jahlyssa Sekhmet le souligne elle-même dans son livre : “l’Amérique du Sud aurait mérité un travail similaire”. Mais tout n’est pas possible, sinon le livre aurait fait 400 pages ! Cela serait peut-être l’objet d’un prochain livre ? En tout cas, pour la diaspora des « Antilles françaises », c’est déjà fait, le livre est sorti cette année !
Pour acheter le livre
En plus de ce livre, un cahier d’activités ludique et éducatif pensé spécialement pour les enfants a été conçu. Et ce n’est pas tout ! Jahyssa Sekhmet vient juste de sortir L’Histoire des « Antilles françaises » : Guadeloupe et Martinique. Envie d’offrir ? Envie de se faire plaisir ? Faites votre choix juste en-dessous !
Focus Auteur – Qui est Jahlyssa Sekhmet ?
Jahlyssa Sekhmet est une enseignante d’origine afro-caribéenne. Elle est passionnée d’histoire du monde noir. Ainsi, pendant plus de 10 ans, elle a suivi des cours, des colloques et des conférences de grands professeurs comme Théophile Obenga ou Jean-Charles Coovi Gomez. Elle a créé la maison d’édition Conscious Education Editions destinée à mettre en place des outils et manuels pédagogiques sur l’histoire de l’Afrique et des afrodescendants.
Bonjour,
pour ma part, je découvre cette auteure. Le résumé me rappelle des cours de lycée ou des lectures personnelles. J’ai appris beaucoup au point 6: Je ne savais pas que le BBP se basait sur les idées de Frantz Fanon (Malcom X, j’aurais deviné lol) .
Merci pour ce résumé. J’ai envie de lire le livre.
rappel : trouver et lire la charte du Mandé
se renseigner plus sur la généalogie des Negus, et leur liens avec la reine de Saaba ..
La Nubie aussi..
et la liste continue!!
en savoir plus encore plus! Merci pour ces rafraîchissements!
Yawo
Bonjour Yawo, merci pour ton retour. Je suis contente que tu découvres Jahlyssa Sekhmet car elle a vraiment fait un travail important. Non seulement dans la synthèse de toutes ces informations mais aussi et surtout dans la manière où elle a réussi à adapter cela à l’apprentissage pour les enfants. J’ai vraiment appris beaucoup de choses comme le fait que le Liberia est un pays qui a été créé par une entreprise américaine, la « National Colonization Sociaty of America » pour pousser les noirs libres post esclavage à rentrer en Afrique. J’avais déjà entendu parler de cela, mais je n’avais pas tous les détails.
Merci pour tes notes, je note (surtout pour la reine de Saaba, il faut absolument que je me renseigne là-dessus!) 🙂 Certaines feront l’objet de prochains articles !