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D’après le livre NOIR : ENTRE PEINTURE ET HISTOIRE, de Naïl Ver-Ndoye et Grégoire Fauconnier, 237 pages, éditions Omniscience.

 

Ils étaient où les Noirs avant ? Je veux dire : dans l’Histoire. Dans l’Antiquité, au Moyen-Age, à la Renaissance ? Ils faisaient quoi eux ? Si vous me posez la question pour un blanc, c’est facile, je sais. Ils étaient rois, reines, marchands, peintres, savants, palefreniers, soldats, astronomes, inventeurs, et j’en passe.

Mais un Noir ?

Peut-être qu’ils n’existaient pas encore. Ils sont sûrement arrivés après. Oui, ça doit être ça ! Ils sont arrivés après. Mais oui, vous savez pendant cette période hyper connue là ! L’esclavage ! On les voit dans les bateaux. Ou sous des coups de fouets dans des champs. Et après il y a eu la colonisation. Oui voilà, c’est là que les Noirs sont arrivés.

Ok… Donc c’était quoi un Noir avant ?

C’était un esclave. Ou un colonisé.

Voilà le type de réflexion qu’avait la petite fille que j’étais. Et cela n’a rien de choquant. Pourquoi ? Parce que c’est ce que me renvoyaient mes livres d’Histoire, mes sorties au musée et mes voyages scolaires. C’est de là que s’est construite l’image que j’avais de ma propre communauté. Les Noirs ne sont entrés dans l’Histoire qu’à partir du moment où ils ont été dominés. Je ne pouvais penser autrement, car je ne voyais rien de différent.

Kunta Kinte. Tintin au Congo. Malcom X. Mandela. Des Noirs soumis. Ou des Noirs qui se battaient pour ne plus être soumis. Comme s’il n’y avait rien eu avant, que la soumission.

Et puis un jour je tombe sur ce livre.


Et je suis heureuse. Je suis heureuse parce que je vais évoluer dans un monde où mes (futurs) enfants n’auront pas à avoir ce type de réflexion. Parce que je pourrai leur montrer ce livre. Parce qu’ils y verront des gens qui leur ressemblent. Et parce que ces gens seront rois, reines, peintres, écrivains, généraux, marchands, hôteliers et j’en passe.

NOIR : Entre peinture et Histoire rassemble plus de 300 tableaux. 300 histoires. Ce sont 300 œuvres qui redonnent aux Noirs, leur place dans la chronologie du monde : de moins 3000 jusqu’au début du 20è siècle.

Dans ce 6ième résumé de livre de mon univers Afrobook, j’ai décidé de partager avec vous les 10 tableaux qui m’ont le plus touchées. Et je vous l’assure, après avoir lu cet article vous n’aurez qu’une envie : vous procurer le livre ! C’est un musée entier…au bout de vos doigts, enjoy !

A NOTER

Mon article suivra le même rythme que le livre : il est organisé en 10 thèmes. Et moi, j’ai choisi 1 tableau par thème :

  1. Allégorie d’un territoire
  2. Religion
  3. Corps
  4. Figures politiques
  5. Esclavage
  6. Domesticité
  7. Talents
  8. Guerre
  9. Scènes de vie
  10. Présence Noire

RÉSUMÉ-CHRONIQUE DE « NOIR : ENTRE PEINTURE ET HISTOIRE »

 

n°1 – Quand un couple royal éthiopien met au monde une enfant blanche…


Titre : Chariclée montrant à Persina et Hydaspe la marque sur son bras pour prouver sa filiation (vers 1640)
Peintre : Karel van Mander III (fkamand)
Où se trouve ce tableau aujourd’hui ?: Museumslandschaft Hessen Kassel, Allemagne

Oui, vous avez bien lu le titre, vous vous trouvez actuellement devant une photo de famille ! Cette peinture illustre une scène des Ethiopiques, un manuscrit du IIIe ou IVe siècle. On voit ici le roi et la reine d’Ethiopie (Hydaspe et Persina) se demander si cette femme blanche est vraiment leur fille. La réponse est oui. Et en réalité la reine le sait : elle l’avait abandonné à sa naissance sans que le roi ne soit au courant. Pour prouver qu’ils sont ses parents, Chariclée leur montre une tâche ébène sur son bras. Elle est leur enfant. Elle est africaine. Au-delà de cette histoire, on voit que dès l’Antiquité les questions de couleurs de peau et d’identité étaient déjà présentes.

Thème ALLEGORIE D’UN TERRITOIRE — Cette 1ière partie du livre rassemble des tableaux allégoriques de l’Afrique ou des Antilles. C’est-à-dire que des personnes noires sont peintes pour symboliser le continent africain ou ‘’ l’exotisme’’ antillais. Prenez par exemple le tableau Les Quatre Continents ou Les Quatre Fleuves du Paradis (~1615) de Pierre Paul Rubens. Avec un titre pareil, vous vous attendez surement à voir une carte du monde ou des paysages. En réalité, on y voit 8 personnes ! 4 femmes qui incarnent l’Amérique, l’Afrique, l’Europe et l’Asie. Et 4 hommes qui personnifient les fleuves associés à ces continents. L’Afrique est représentée par une femme noire. Elle est au centre du tableau et, contrairement aux autres femmes, elle est parée de bijoux, d’un collier de perle lumineux et d’un diadème orné d’un rubis rouge étincelant. J’en déduis que, très tôt, l’Europe voyait déjà l’Afrique comme le lieu de richesses qu’on ne trouve nulle part ailleurs

Ah oui, j’oubliais de vous dire : ce qui est top dans ce livre, c’est que pour chacun des tableaux principaux de l’ouvrage, nous avons droit à des recommandations de 2-3 livres à lire pour approfondir le sujet !

Recommandations lectures pour le tableau « Chariclée montrant à Persina et Hydaspe la marque sur son bras pour prouver sa filiation »

 

 

n°2 – Saint-Maurice, le général africain devenu martyr en Europe

Titre: Rencontre de Saint-Erasme et Saint-Maurice (1520-1524)
Peintre: Matthias Grünewald (Allemand)
Où se trouve cette œuvre aujourd’hui ?: Musée Alte Pinakothek, Munich, Allemagne

Mais qu’est-ce que ce Noir fait dans ce tableau ? C’est la question que je me posais à chaque page. C’est si inhabituel de voir des Noirs dans ce cadre-là ! Bref, ici il s’agit de Saint- Maurice. Il était le chef d’une légion romaine de 6 500 hommes. Il a recruté ses soldats à Thèbes (dans l’Egypte actuelle) pour combattre en Europe. Mais une fois arrivé sur place, on lui ordonne d’exécuter des convertis au christianisme. Etant chrétien, il refuse. Lui-même et tous ses hommes sont massacrés. Aujourd’hui, une ville de Suisse (lieu du massacre) porte son nom : Saint-Maurice. Et tous les 22 Septembre, c’est la Saint-Maurice dans le calendrier grégorien.

— Thème RELIGION — Cette 2ière partie du livre rassemble des tableaux représentant des Noirs sur le thème de la religion. Ainsi, dès le Moyen Âge, il existe des tableaux représentant des figures religieuses Noires (comme le roi mage Balthazar ou Saint-Maurice que nous venons de voir) ou bien des hommes d’églises. Je découvre donc l’histoire incroyable de l’abbé sénégalais Moussa ordonné à Paris et mort à Haïti. Je vois également la reine de Saba Noire, ce qui est précieux puisque la plupart des peintres la représentaient comme une femme de couleur blanche. Et le tableau que j’ai le plus apprécié est celui de Moïse et de sa femme Sephora…Noire. Vous pourrez retrouver tous ces tableaux dans le livre ! Bien évidemment, la plupart des peintures de cette deuxième partie témoignent aussi du christianisme venu d’Europe censé humaniser les Noirs.

 

 

n°3 – Quelles sont les causes de l’albinisme ? Et le vitiligo ? Les surprenantes théories du 17è siècle !

Titre: Le Nègre pie ou Madeleine de la Martinique et sa mère (1782)
Titre: Marius-Pierre de la Masurier (français)
Où se trouve ce tableau aujourd’hui ?: Muséum d’Histoire naturelle, Paris

Sont-ils Noirs ? Sont-ils blancs ? Pour les albinos, on dit d’abord qu’ils sont le fruit des relations entre les soldats blancs et les femmes africaines. Ce qui est réfuté puisque de ces unions naissent des métis. On évoque alors la relation de femmes Noires avec des singes (no comment). Thèse réfutée également. On pense donc à une forme spécifique de lèpre. Bref, il a fallu plusieurs siècles à la science occidentale avant de pouvoir expliquer les causes de l’albinisme (déficit de la production de mélanine).

Sur ce tableau, la petite fille atteinte du vitiligo s’appelle Madeleine. Elle est née à Sainte-Lucie de parents esclaves. Très vite, elle est exhibée en Martinique. Puis en Europe. Le même sort est réservé à de nombreux autres enfants comme elle : foires, zoos humains, ‘’cabinets des curiosités’’. Pour rappel, le vitiligo se caractérise par des taches blanches (dépigmentation) sur le corps. Aujourd’hui, le mannequin Winnie Harlow travaille chaque jour pour l’acceptation de cette maladie dans le monde.

Le mannequin Winnie Harlow

— Thème CORPS — Dans cette 3è partie du livre, les œuvres montrent le rapport que les européens avaient avec le corps Noir. Bien évidemment, on retrouve les clichés attribués à l’Homme noir : physiquement supérieur (opposé au Blanc intellectuellement supérieur), homme sauvage, organes sexuels proéminents, exotisme de la femme noire, etc.

Si on regarde de nouveau le cas Winnie Harlow, on se rend compte que : bien que ces tableaux datent de plusieurs siècles, de nombreuses problématiques sont toujours d’actualité : l’albinisme (encore stigmatisés dans certains pays), le blackface, le colorisme, la fétichisation des femmes noires, les couples mixtes, etc. Tous ces sujets sont adressés dans l’ouvrage dans des tableaux datant de l’Antiquité, du Moyen-Âge ou de la Renaissance ! Et pourtant, ces thèmes se retrouvent encore aujourd’hui en top tendance de nos fils Twitter.

Prenons le cas de la fétichisation des femmes noires : sur Instagram, le compte @femmesnoiresvs_datingapps a fait le buzz fin 2018 en atteignant plus de 5000 abonnés en moins d’un mois. Les publications partagées ? Les messages que certaines femmes noires reçoivent sur les applications de rencontres. Du ‘’je veux te gouter, gouter à l’exotisme’’ au ‘’Tu sens fort ou pas ? Parce que sinon next !’’ en passant par le ‘’ J’ai toujours rêvé de me faire une black ’’, tout y est. Mais censure oblige, ce compte qui se voulait être un espace de soutien et d’entraide entre femmes noires est très rapidement fermé par Instagram (suite à de nombreux signalements). Le compte a été ré-ouvert depuis, en « privé » (200 abonnés pour l’instant – Janvier 2018). A croire que la liberté d’expression est menacée même sur les réseaux sociaux…

 

 

n°4 – L’histoire d’Ayouba Diallo : le riche sénégalais qui finit esclave…par erreur

Titre: Ayuba Suleiman Diallo (1733)
Peintre: William Hoare de Bath
Où se trouve cette œuvre aujourd’hui ?: National Portrait Gallery, Londres, Royaume-Uni

Ayouba Diallo était un imam sénégalais du peuple des Toucouleurs. Un jour, il va au port pour échanger 2 de ces esclaves contre la marchandise des Anglais. A son retour, il est enlevé par des brigands qui le rasent et changent ses vêtements. De cette manière, tout le monde pensera qu’il est esclave. Ils arrivent à le vendre à des négriers et Monsieur Diallo finit au fond d’un bateau en route vers l’Amérique. Esclave, il parvient à faire envoyer une lettre à son père. Ce qui lui permit d’être racheté par une compagnie britannique. Le voilà alors faire le chemin inverse vers l’Angleterre ! Là-bas, il fréquente les élites du pays (et même le roi !). C’est à cette période-là que fut peint le tableau de lui ci-dessus. Après plusieurs mois, il est enfin affranchi et on fait financer son retour vers le Sénégal. Mais ce n’est pas fini ! Arrivé au Sénégal, il est à nouveau kidnappé et emprisonné par des français ! Ce n’est que 6 mois plus tard qu’il arrive enfin à retrouver sa famille après ce long périple de 4 ans. En Décembre 2009, le Qatar a déboursé 800 000€ pour être propriétaire de ce tableau.

L’aventure d’Ayouba Diallo me permet d’ouvrir les yeux sur l’image très binaire que j’ai de la période de l’esclavage. Pour moi, nous avions d’un côté les Noirs tous esclaves et de l’autre, les blancs : tous libres et/ou propriétaires d’esclave. Comprenez alors ma surprise quand je découvre ce récit. Cette histoire permet aussi de soulever le sujet controversé du ‘’ Oui mais les Noirs vous vendiez vous-mêmes d’autres Noirs aux Européens !’’. En effet, vous noterez qu’à son 1er enlèvement, Ayouba Diallo avait été lui-même vendre des esclaves aux Anglais. Mais pour moi ce n’est pas le même esclavage. Attention, je ne dis pas qu’il y en a un bon et un mauvais. Je dis simplement qu’à l’époque, en Afrique, les esclaves étaient des prisonniers de guerre. Il y avait un certain code à respecter et les propriétaires devaient – d’une certaine manière – s’occuper de ses esclaves comme les membres de leurs propres familles. Mais bon, ceci sera le sujet d’un autre article sur Abenafrica !

— Thème ESCLAVAGE — Dans cette partie du livre, les tableaux illustrent également la rébellion d’esclaves sur un bateau négrier, des scènes de captures ou de ventes d’africains ou encore du sujet des Nègres Marrons. C’est une réelle fierté pour moi de voir un livre avec un chapitre « Esclavage » qui ne montre pas que des africains subissant leur sort. Au contraire, on y voit des hommes et des femmes qui se sont battus pour leurs liberté, des intellectuels et des indépendantistes. Je pense alors au célèbre esclave Nate Turner qui, en 1831, a mené une révolte d’esclaves aux Etats-Unis (je vous conseille de regarder le film The Birth of a Nation qui retrace son histoire ! ). Je suis fière parce que, contrairement à moi, mes (futurs) enfants grandiront avec cette idée et ces images-là : mes ancêtres ont résisté.

 

 

n°5 – Badin : d’esclave à ambassadeur, l’antillais qui a influencé toute la diplomatie suédoise

Titre: Badin jouant aux échecs (1775)
Peintre: Gustaf Lundberg (Suédois)
Où se trouve cette œuvre aujourd’hui ?: Nationalmuseum, Stockholm, Suède

C’est vers l’âge de 10-15 ans que Kouchi est ‘’offert’’ à un haut fonctionnaire suédois. Il quitte son île natale Sainte-Croix (Antilles danoises) direction l’Europe. Une fois arrivé, son nouveau maître le présente à Louise-Ulrique de Prusse, qui est…la reine de Suède et de Finlande. Elle apprécie tout de suite le jeune homme et l’intègre dans son domaine. Il y reçoit une éducation du niveau de la plus haute aristocratie. C’est à ce moment qu’il change de nom. Kouchi devient Gustav (en l’honneur d’un grand personnage de la royauté suédoise…) et son nom ‘’Badin’’ qui signifie ‘’farceur’’ en suédois. Progressivement, Badin impressionne l’ensemble de la cour par son niveau intellectuel, sa culture générale et ses qualités de stratège (d’où la présence des échecs sur le tableau). Si bien qu’il devient l’ambassadeur itinérant de la famille royale. Badin n’est pas un cas isolé. Dans le livre, nous découvrons l’histoire d’Ignatius Fortuna, ancien esclave du Suriname qui influença toute la cour Allemande et constitua un patrimoine financier impressionnant. Ou encore celle de John Tockson qui, un siècle après Badin, devint Second Valet et favori du roi Charles XV.

Thème FIGURES POLITIQUES —  Dans cette partie on découvre aussi le tableau d’Alexandre Médicis, ‘’le Noir de la famille de Médicis’’ qui régna sur la ville de Florence pendant 5 années. On observe aussi le portrait d’une religieuse Noire : Louise Marie de Sainte-Thérèse, qui serait le fruit d’un amour adultérin du couple Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche. Ou encore celui de Jean-Baptiste Belley né à l’île de Gorée et qui devient le premier député Noir de France (1794). Sans oublier les personnalités plus connues comme Toussaint Louverture, le roi Christophe (Haïti) ou encore le Négus Negest Ménélik (empereur d’Abyssinie, ancien empire d’Ethiopie).

 

 

n°6 – Le triste destin de l’orpheline sénégalaise Ourika

Titre: Ourika (1793)
Peintre: Sophie- Ernestine de Tott (française)
Où se trouve cette œuvre aujourd’hui ?: Collection privée

C’est l’histoire d’une petite fille qui est offerte à un couple de sexagénaire français qui n’ont jamais eu d’enfants. Au 18è siècle, c’est une pratique très courante : avoir un domestique est un signe de richesse. La femme du couple considère la petite Ourika comme sa propre fille et lui donne une éducation digne de la noblesse. Mais à l’âge adulte, les attaques racistes qu’Ourika subit en permanence la pousse à quitter la société et se réfugier dans un couvent. Elle y meurt à seulement 18 ans. Le récit de cette jeune femme a même fait l’objet d’un livre publié en 1823 : Ourika de Claire de Duras.

— Thème DOMESTICITE — : Il faut savoir que si l’esclavage a été aboli au 19è siècle, il était interdit sur le territoire européen dès le 14è siècle. Ainsi, la plupart des Noirs d’Europe avait le statut de domestique et non d’esclave. Ce sont les histoires de ces domestiques noirs qui sont illustrés dans cette partie du livre. Je retiens particulièrement les aventures de Zamor, ce Noir né au Bengale qui finit par intégrer le comité de surveillance révolutionnaire de Versailles !

 

 

n°7 – Juan de Pareja, le peintre talentueux…qui a dû se cacher  derrière son statut d’esclave !

Titre: Juan de Pareja (1650)
Peintre: Diego Velazquez (Espagnol)
Où se trouve cette œuvre aujourd’hui ?: The Metropolitan Museum of Art, New-York, Etats-Unis

« Quiconque détient une telle habilité ne peut pas être un esclave ! », ce sont les paroles cinglantes que le roi Philippe IV a lancé à Juan de Pareja, agenouillé devant lui et lui implorant de lui donner le statut de peintre. Petit retour en arrière : nous sommes dans l’Espagne du 17è siècle. Juan de Pareja est l’esclave assistant du peintre Diego Velazquez. Mais les apparences sont parfois trompeuses ! Si le maitre Diego Velazquez est un peintre renommé, il s’avère que son esclave serait le véritable auteur de certaines de ces œuvres ! C’est d’ailleurs lors d’une visite du roi dans l’atelier que de Pareja en profite pour mettre en évidence l’une de ses propres toiles. Le roi la voit et fait une remarque élogieuse. Juan de Pareja se prosterne alors devant le roi et le supplie de le reconnaitre comme ‘’peintre’’. La suite vous la connaissez : le roi ne le croit pas et lui ordonne de ne plus jamais réitérer cette requête. En 1654, Juan est affranchi. Il peint jusqu’à la fin de sa vie et pu enfin signer ses propres peintures.

— Thème TALENTS — C’est ma partie préférée de l’ouvrage car elle montre les tableaux de d’hommes et de femmes noirs aux parcours incroyables (#BlackExcellence). Ils sont artistes, chevaliers, business woman, marins, soldats, marchands, et parfois même…négrier. Si je devais vous en citer 3, je vous parlerai de Joseph Bologne, le guadeloupéen qu’on surnommait le « Mozart Noir » et qui a donné des cours de musique à la reine Marie-Antoinette. Je vous présenterai aussi Ira Aldridge, le premier noir à avoir endossé le rôle d’Othello au théâtre (avant ce rôle était joué uniquement par des blancs en Blackface). Et pour terminer, je n’oublierai pas de vous montrer la peinture de d’Amadou M’barick Fall, le premier Africain champion du monde de boxe en 1922.

Ce livre ce n’est pas juste un témoignage de « comment est-ce que les Européens représentaient les Noirs ». C’est un véritable voyage dans le temps : de l’Antiquité à l’ère industrielle en passant par la Renaissance. A chacune des pages du livre, on assiste petit à petit aux temps forts de la communauté Noire dans l’Histoire.

 

 

n°8 – Afro-Dutch

Titre: Portrait du Caporal Africain d’infanterie Jan Kooij (1882)
Peintre: Johan Coen raad Leich (Néerlandais)
Où se trouve cette œuvre aujourd’hui ?: Museum Bronbeek, Arnhem, Pays-Bas

Bon ok, je l’avoue : j’ai choisi ce tableau de la catégorie GUERRE car je trouve que cet homme est particulièrement incroyablement et objectivement magnifiquement…beau (#GhanaianMen). Mais ce n’est pas la seule raison je vous assure (hihi) ! Je retiendrai deux choses de cette toile. En 1 : le destin exceptionnel de ce soldat venant de la Côte-de-l’Or néerlandaise (actuel Ghana). Le jeune homme Ashanti s’engage à 20 ans dans l’armée néerlandaise. Lui et 800 autres africains sont envoyés en Indonésie pour combattre (sous la bannière néerlandaise) contre le sultan en place. Grace à ses nombreux actes héroïques sur le champ de bataille, Jan Kooij est le premier africain à recevoir la plus haute distinction du royaume du Pays-Bas : la Militaire Willems-Ordre. Vous pouvez d’ailleurs remarquer sur le tableau toutes les médailles qu’il porte. Après 12 ans au service de l’armée Néerlandaise, il rentre dans son pays natal, devenu entre-temps une colonie Britannique. En 2 : On comprend donc que des soldats africains sont restés aux Indes orientales pendant plusieurs années. Sachez alors qu’ils sont à l’origine des communautés indo-africaines qu’on appelle les Belanda Hitam (‘’Néerlandais Noirs’’) car plusieurs de ses hommes ont fondé leurs familles là-bas.

Thème GUERRE — : Dans cette partie du livre, j’ai aussi beaucoup aimé le portrait du héros de la Révolution française : le général Thomas Alexandre Dumas (à ne pas confondre avec son fils, le célèbre écrivain des Trois Mousquetaires : Alexandre Dumas), la célèbre bataille d’Isandhlwana connue pour être la plus grande défaite britannique en Afrique (par Zoulous du Sud de l’Afrique), l’hôtelière Mary Jane Seacole, véritable business woman qui a ouvert un hôtel près des champs de bataille pour y accueillir les soldats pendant la guerre de Crimée. Nous retrouvons bien évidemment dans cette partie des tableaux illustrant les tirailleurs sénégalais.

 

 

n°9 – Couple mixte d’un autre temps

Titre: Bonheur d’amour prussien (1890)
Peintre: Emil Doerstling (Allemand)
Où se trouve cette œuvre aujourd’hui ?: Deutsches Historisches Museum, Berlin, Allemagne

A gauche, je vous présente Gustav Sabac El Cher et à droite, Lassi Delink, une admiratrice. Admiratrice ? Oui, parce que voyez-vous Gustav était chef d’orchestre d’une fanfare militaire allemande (il est même le 1er Noir à occuper ce poste !). Et en réalité, contrairement à ce que renvoie le tableau : Gustav est clair de peau (métis d’une mère allemande et d’un père ancien esclave d’Afrique de l’Est). Nous supposons que le peintre a fait le choix de le représenter au teint foncé pour marquer le contraste avec la femme blanche. Bref, le musicien Afro-allemand est populaire à Berlin, ce qui permit à sa femme (qui n’est pas la demoiselle que l’on voit sur ce tableau!) d’ouvrir deux salons de thé dans la capitale. Ils eurent deux enfants, également musiciens. Mais à l’arrivée d’Hitler au pouvoir, les salons furent fermés. Gustav mourut en 1934 et une croix gammée fut tagguée sur son cercueil. Et ce n’est pas tout…ses deux fils combattirent dans les troupes Nazis. On a estimé qu’ils avaient assez de sang Allemand pour ne pas être « nègres ».

— Thème SCENES DE VIE — : Dans cette avant-dernière partie du livre, je prends plaisir à voir des tableaux où des Noirs sont représentés pour ce qu’ils sont en tant qu’être humain et non de par leur statut d’esclave, de soldat ou de serviteur. On voit par exemple le tableau un marchand de jouet, le portrait d’une famille, des parisiens qui dansent au ‘’Bal Nègre’’, ou encore celui de deux cousines (une blanche et une métisse) qui posent dans un parc londonien. Ces tableaux sont magnifiques et ils sont tous dans le livre !

 

 

n°10 – Au 15è siècle (avant le début du commerce triangulaire), les Noirs représentaient déjà 10% de la population de Lisbonne !

Titre: La Fontaine du roi (fin du 16è)
Peintres: L’Ecole flamande
Où se trouve cette œuvre aujourd’hui ? : Collection Berardo, Lisbonne, Portugal

Ici nous nous trouvons dans la grande cité commerciale de Lisbonne, ville pionnière des grandes découvertes invasions du Nouveau Monde. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’avant que ne commence le commerce triangulaire, des africains étaient déjà déportés au Portugal. On estime que jusqu’en 1761, date d’interdiction de cette pratique, plus de 400 000 africains étaient arrivés dans le pays. Si la plupart étaient esclaves ou servants, ils pouvaient aussi être ouvriers, commerçants, pêcheurs ou musiciens. A droite du tableau, vous remarquerez par exemple un cavalier noir avec une cape sur laquelle est brodée une croix rouge. Ce qui signifie qu’il est chevalier de l’ordre de Santiago, un ordre militaire et catholique du 12è siècle. A cette époque, d’autres cavaliers africains ont déjà reçu cette distinction. Celui qui est représenté ici serait l’ambassadeur d’Angola !

— Thème PRESENCE NOIRE — : Dans cette dernière partie, nous observons plusieurs tableaux qui témoignent de la présence des Noirs en Europe et en Afrique du Nord dès le 16è siècle. On aborde ainsi des sujets tels que la traite arabo-musulmane ou alors de la présence des noirs dans les troupes napoléoniennes.

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En refermant ce livre, j’ai comme l’impression qu’une certaine partie de l’Histoire jusqu’alors occultée est enfin rétablie. Et qu’Elle est enfin racontée par un narrateur différent que celui des musées et des livres d’histoire-géo de ma scolarité.

Les premières images que nous avons eu de l’Afrique sont des représentations de l’Occident. La vision qu’eux avaient de nous. Aujourd’hui cela change, notamment à travers la photographie avec de talentueux artistes comme le kenyan Osborne Macharia, le sénégalais Siaka Soppo Traoré, l’ ivoirienne Joana Choumali ou encore le talentueux congolais Robert Nzaou Kissolo. En dominant le monde de la photographie en Afrique et au-delà, ils changent la narrative de l’Afrique. Une représentation de nous par nous.

Jugez plutôt :

Photo d’Osborne Macharia

 

Photo de Robert Nzaou-Kissolo – série culinaire visant à mettre en avant la nourriture locale congolaise

 

Photo de Siaka Soppo Traoré

 

Photo de Joana Choumali

Voilà ce que j’ai retenu du livre NOIR : ENTRE PEINTURE ET HISTOIRE. Connaissiez-vous déjà certains de ces tableaux ? Dites moi tout en commentaire ! Moi je vous donne mon avis juste en dessous !

Les petits commentaires d’Abena

(1) Pour moi, ce n’est pas le genre de livre que tu lis d’une traitre. C’est le genre d’ouvrage que tu prends le temps d’apprécier, de savourer un peu plus chaque jour. Que tu feuillètes entre amis ou en famille lors d’une soirée chill au coin du feu. C’est pour moi l’œuvre incontournable de la bibliothèque de tout Afro Curieux. Cet ouvrage est pour moi comme une ressource illimitée d’anecdotes et de connaissances plus intéressantes les unes que les autres.

(2) Attention, ici, nous parlons de la représentation des Noirs par les européens. Ainsi, ne soyez pas surpris de constater que la majorité de ces œuvres soient empreintes de stéréotypes racistes.

(3) Petit confession : J’ai un peu honte. Mais la 1ère raison qui m’a motivée à acheter ce livre c’est  » Oh la couverture est stylée ça va faire une belle photo insta ! « . Mais bon, une fois que je l’ai ouvert, j’ai compris que le contenu était grandiose ! Soit dit en passant, je trouve qu’aujourd’hui il est important que la forme soit parfois aussi bien travaillée que le fond. On peut produire un contenu excellent, mais malheureusement, s’il n’est pas bien mis en avant, personne n’ira le découvrir. Je trouve que c’est un pari réussi pour cette ouvrage !

Points forts

Cet ouvrage est une mine d’informations, d’anecdotes et de faits historiques insoupçonnés. Il est déterminant dans la manière dont je vois la communauté Noire aujourd’hui. Et déterminant dans la suite de mon aventure Abenafrica. Monsieur Ver-Ndoye, Monsieur Fauconnier : merci.

    Points faibles

    Ce n’est pas un point faible, mais un conseil pour vous cher Afro Curieux : ce livre témoigne d’événements historiques vus par le prisme des peintres d’Europe. Il est aussi et surtout important que nous nous réapproprions l’Histoire de l’Afrique et de sa diaspora dans son intégralité, par nous et pour nous. Et pour ce faire, je vous conseille vivement de commencer avec ce livre : un bijou !

    Pour acheter le livre

    C’est ici !

    L’intégralité des photos de tableaux de cet article proviennent du livre : NOIR, ENTRE PEINTURE ET HISTOIRE.

    Abena

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    • Hermann dit :

      Bonsoir,

      Merci pour cette ouvrage j’ai hâte de me faire ce cadeau et de pouvoir échanger avec mes enfants sur les sujets qui devrait arriver d’ici quelques années. Pour le moments j’avais juste « enfants d’ici parents d’ailleurs » de chez Gallimard.

      • Abena dit :

        Bonsoir Hermann, je suis ravie que cela vous ait plus. Et merci pour la découverte ! Car  » Enfants d’ici parents d’ailleurs  » je ne connaissais pas, merci pour le partage !

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