Hier sur l’instagram d’ Abenafrica, je vous disais que Kinshasa est, depuis 2017, la 1ère ville francophone du monde. Je vous disais aussi qu’en 2050, 85% des francophones seront Africains. Une langue qui prend tant de place sur le continent, une langue qui est pourtant étrangère. Alors qu’en est-il du rapport entre les Africains et leurs propres langues africaines? Aujourd’hui Bachir Mbengue nous transporte, par ses écrits, vers l’idée qu’il a de la question. Cher Bachir, merci d’avoir, le temps de quelques mots, prêté ta plume à Abenafrica. Chèr.e.s Afro Curieux.ses, bonne lecture.
Prisonnier de la pensée
Mes ancêtres sénégalais et ceux du Rwanda ont-ils fait le choix du mot Afrique pour les désigner ? Pouvons-nous naître dans une famille et se voir donner un nom choisit par les voisins du quartier ? L’Afrique vient d’Afrikia. L’étymologie du mot est berbère. Certains de leurs descendants nient leur appartenance à cette terre. Ce sont des maghrébins disent-ils, non des africains. Dans l’imaginaire collectif, à quoi renvoi ce nom ?
Depuis que je vis en Hexagone, les trois synonymes de mon être demeurent : noir, retardataire et victime.
Mon combat de tous les jours est d’être le meilleur ambassadeur de mon peuple. Un lourd fardeau pour déconstruire les imaginaires et redorer le nom Africain qu’on m’a choisi.
Je dois arriver à l’heure au boulot, éviter de trop parler de mon amour fou pour le poulet braisé ou encore éviter d’aller à la piscine quand il y a du monde, car comme vous le savez les noirs ne savent pas nager.
Allez raconter cela à mes frères de Guet-Ndar à Saint-Louis du Sénégal. Ils vous botteront le derrière à coup de pagaie à tel point que vous traverserez l’Atlantique à vitesse grand V afin de voir de plus près le sort de leurs frères qui y sont restés. Savoir nager ne leur a pas suffi. L’hexagone fut un rêve inachevé.
On a tout assimilé sans broncher : d’ Afrikia aux langues européennes. L’assimilation ne déconstruit en réalité rien et nous force à mieux singer l’autre.
Si l’on prend l’exemple de la Russie, la Norvège ou encore le Japon ce sont des pays ou les langues maternelles ne sont pratiquement parlées que chez eux. Elles sont pourtant mises en avant et enseignées à tous les niveaux scolaires. Ces trois pays n’ont rien à envier aux autres. Nous devrions nous en inspirer.
Les Japonais commencent par apprendre leur langue maternelle pour ensuite s’ouvrir au monde et apprendre des langues de communication internationales (anglais…)… .
Nous devons ainsi donc faire la différence entre la langue d’acquisition du savoir et les langues de communication internationales.
L’Afrique est le seul continent au monde ou les enfants sont obligés d’apprendre une langue étrangère à l’école. Aujourd’hui la langue française est devenue la nôtre : 53% des locuteurs français au monde sont en Afrique. Cela nous a t’il permit de devenir libres, indépendants et de bâtir des états forts économiquement ? La réponse est non.
L’hymne national du Rwanda est écrit en kinyarwanda. Un enfant rwandais de 7 ans serait capable de le chanter et d’en comprendre le sens. Celui du Sénégal, quant à lui, est en français, écrit par le premier noir agrégé en grammaire : Léopold Sedar Senghor. L’enfant sénégalais de 7 ans ne saurait le chanter ni en comprendre le sens. Comment avoir une réelle estime de soi si l’on ne change pas de paradigme ?
Construire de nouvelles métaphores du futur africain, commencerait peut être par faire renaître les utopies d’hier.
Pour mes frères qui ne sauront ni lire, ni comprendre ces lignes car écrite dans une langue étrangère. Ces victimes du savoir, mes meilleurs intellos noirs. Suiveurs éternels d’un monde dont ils ignorent les codes. Puissent-ils un jour comprendre ces écrits et ceux des panafricains défenseurs de leur droit, dans leurs langues maternelles.
Prisonnier de la pensée, Bachir Mbeng, 2019
Qui est Bachir Mbeng ?
Bachir est Sénégalo-Rwandais. Il vit et travaille à Paris depuis plusieurs années. Fondateur du Pari(s) Afro et de Ladaf – langues d’Afrique, deux espaces d’ouverture, de réflexion et de dialogue, il est toujours en quête de fédérer une communauté active et pensante autour des questions liées à l’Afrique-Monde.
Très bel article. J’ai beaucoup appris, merci !
Bonjour Sam, merci pour lui ! En effet, je trouve que Bachir a un très belle plume, et que nous savourons la légèreté de sa belle plume autant que nous en apprenons sur l’Afrique. Merci Bachir !
Merci pour la partage de cet article. Nous devrions enseigner notre langue à l’école. Je viens de la Martinique et je trouve cela dommage que le creole ne soit pas une matière obligatoire dans les écoles. C’est notre langue et notre culture.
De plus, j’ai remarqué que certains de mes amis d’origine nigérienne, congolaise ou autre ne parlent pas la langue de leurs parents au profit de l’anglais ou du français (la langue du colonisateur). Je trouve cela vraiment dommage. Notre langue, notre identité. Le français et l’anglais devraient être considérés comme des langues de communication internationale. L’accent devrait être mis sur la langue de nos parents peu importe la pays qui nous a colonisé.
Merci pour votre message Jessy, je trouve ce texte de Bachir Mbengue (fondateur du Pari Afro : http://www.leparisafro.com/ ) magnifique ! Je ne sais pas combien de fois je l’ai relu ! Car il fait résonner en moi tout ce que vous venez de partager dans vos mots : la nécessité que nous revenions à ce que nous sommes, et cela passera inévitablement au retour de la pratique de nos langues !
Le partage* (dsl)
Bonsoir, je m’appelle Christian kantoba , et je suis congolais (RDC) vous savez dans notre nous avons plusieurs langues comme le lingala, swahili,tshiluba, kikongo, etc
Bref il y a plusieurs langues dans mon pays le fait de communiquer c’est un problème, alors le français nous permet de communiquer peut importe dans quel province je me trouve,
Je parle deux langues lingala, swahili. Malgré ça je suis obligé de parler français pour pouvoir communiquer avec mes chers compatriotes, bref pour moi je trouve le français utile pour communiquer dans Grand pays la RDC.
Bonjour Christian,
Merci beaucoup pour votre témoignage. Je suis tout à fait en phase avec vous quand à l’utilité du français. J’aimerais simplement que cela ne soit pas au détriment de langues africaines. Egalement, je trouve que nous avons beaucoup de langues parlées dans plusieurs pays qui pourraient prendre la place de langues officielles (comme le swahili par exemple). Merci pour votre partage, belle journée à vous.
Bonsoir
Merci pour cet article très enrichissant pour ma part Je suis née à paris ma première langue avant de parler le français était le Soninke mes parents arrivaient tout droit du Mali et ne connaissais que cette langue qu’on leur interdit par la suite de nous partager à défaut d’intégration mais ça c’était mal connaître les Soninkes d’ailleurs j’aime beaucoup les langues d’où qu’elles viennent sauf l’anglais mais ça c’est une autre histoire
Merci d’œuvrer pour nos ouvertures d’esprits 🙏Abena si tu ne l’as pas dans tes contacts c’est gâté pour toi .
Avec grand plaisir, merci pour vos mots !
Hello,
Vraiment très touchant. Voir de belle langue maternelle disparaître peu à peu. Je suis de Guadeloupe, je parle le créole. D’ailleurs il faut que je retourne à la lecture en créole surtout au niveau des expressions et proverbes créoles.
Oui ce texte est vraiment magnifique ! Merci pour lui.